Psychiatrie, le temps des camisoles

par Patrick Coupechoux, mars 2020

L’abandon de la vision humaniste de la folie et du soin, qui s’était développée dans l’après-guerre, a précipité la crise de la psychiatrie. Voici revenu le temps de la contention et de l’isolement, avec, de plus en plus fréquemment, des violations graves des droits des patients. Le personnel des hôpitaux réclame des moyens pour mettre fin à la maltraitance.

Généralement, il y a deux portes qui se font face afin de pouvoir prendre le patient récalcitrant ou violent en sandwich. Le lit est fixé au sol ; parfois il y a un lavabo, parfois non ; parfois il y a des toilettes, parfois non, seulement « un seau hygiénique sans couvercle d’où émane une forte odeur d’urine et d’excréments » ; de toute façon, quand le patient est attaché, il fait souvent sous lui. De temps à autre, on trouve de petits arrangements, comme avec cette jeune patiente présente depuis un an, « sous contention des quatre membres mais dont le lien posé sur l’un des deux bras est ajusté pour qu’elle puisse reposer le bassin au sol sans aide ». Il n’y a généralement pas de bouton d’appel : le patient est obligé de hurler pour se faire entendre, ou, s’il est détaché, de « taper sur la porte jusqu’à se blesser ».

Ses repas, il les prend fréquemment assis par terre, avec son lit en guise de table et en présence de deux soignants, debout face à lui. Il est parfois nu, car on craint, comme on dit, un « risque suicidaire » ; sinon, il est en pyjama jour et nuit. Celui de l’hôpital, car il n’a pas accès à ses effets personnels. Il arrive qu’on oublie depuis combien de temps il est là : « Les soignants, qui sont souvent en poste ici depuis longtemps, disent l’avoir toujours vu. » Les visites lui sont interdites. Dans certains établissements, on teste la vidéosurveillance, les micros et les caméras thermiques dans les chambres d’isolement. Dès lors, rien n’échappe à la vue de l’autre, derrière son écran.

Tout cela n’est nullement une fiction. Ces faits sont extraits de trois rapports de Mme Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Elle a établi trois « recommandations en urgence », relatives au centre psychothérapique de l’Ain (Bourg-en-Bresse), en mars 2016 ; au centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne (Loire), en mars 2018 ; et au centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en novembre 2019. Ces faits dramatiques — Mme Hazan parle de « violations grave des droits des patients » — montrent que ce sont d’abord les malades qui souffrent de la crise de la psychiatrie. On vient d’évoquer la contention et l’isolement; on pourrait poursuivre avec les fous dans la rue — 30% des sans-domicile-fixe (SDF) présentent des pathologies mentales sévères (1) —, ou encore avec ceux qui croupissent en prison — de 35 à 42% des prisonniers sont considérés comme très malades mentalement (2).

Lire la suite de l’article, publié dans le Monde diplomatique.

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