Les pygmalions parlementaires de la psychiatrie sécuritaire ?

Après l’attentat terroriste de la Tour Eiffel décrit comme un « ratage psychiatrique » par G. Darmanin, le drame de Meaux a donné l’occasion à J-F Copé maire de cette commune, de s’émouvoir de l’état de souffrance de la psychiatrie dans une tribune. Un débat parlementaire doit se tenir mi janvier sous l’impulsion des élus L.R.

En 2024 assisterons-nous à un nouvel épisode de « la chasse à la folie », pendant psychiatrique de « la chasse à l’enfant » des enfants du bagne de Belle-Ile racontée par Prévert et Chalandon? Car la psychiatrie sécuritaire pourrait avoir de beaux jours devant elle. Dans ce moment où les libertés publiques et les garanties constitutionnelles sont affaiblies par des politiques brunes et scabreuses, certains des pygmalions de la psychiatrie sécuritaire s’apprêtent à sortir du bois. Après l’attentat terroriste de la Tour Eiffel et l’annonce d’un « ratage psychiatrique » par Darmanin, le drame de Meaux a donné l’occasion à Jean-François Copé, maire de cette commune, de s’émouvoir des problèmes psychiatriques dans une tribune intitulée « Maladie mentale : nous sommes tous concernés » et publiée dans l’Express le 3 janvier. Un débat parlementaire devrait se tenir mi-janvier sous l’impulsion des élus LR.

Ces derniers temps, à chaque histoire dramatique, le traitement médiatique de la psychiatrie renoue avec le sensationnalisme morbide. Il est utile de rappeler que pour des faits similaires, lors des soulèvements intervenus dans les HP en 2018-2019, les médias mettaient d’abord en avant la catastrophe psychiatrique organisée par les pouvoirs publics et les politiques successives. Aux côtés de certains drames inévitables, la croissance des tragédies évitables s’élucidait alors par la destruction du service public psychiatrique, l’abandon des usagers-patients-psychiatrisés et des équipes de soins. L’explication simpliste du « schizophrènes dangereux » à enfermer était moins prégnante. Cette parenthèse débutée sous le quinquennat Hollande s’est refermée avec la circulaire Colomb en mai 2019. Cette dernière coagulait de nouveau les personnes hospitalisées sans leur consentement et les fichés S pour terrorisme.

Dans l’après covid, le populisme pénal poursuit son grand retour et la figure du malade dangereux est remise au goût du jour pour contenter les bas instincts des médias bollorisés. La loi immigration a démontré que les politiques macronistes, sous les ors de « La République », se marient à celles d’extrême droite. Pour créer un tel « arc républicain » intégrant des éléments fascistes « respectables », il est donc important de spectaculariser les faits divers et de jeter la faute sur la psychiatrie.

L’été dernier, nous publiions une tribune collective dans le Parisien suite à un drame survenu à Annecy où la santé psychique vacillante de la personne était pointée. Nous rappelions ce simple fait d’expérience quand la folie n’est ni soignée ni accompagnée, elle peut se transformer en furie. Incriminer le seul déni de la personne voire de ses proches est profondément simpliste. Comment faire avec le déni sociétal sciemment entretenu depuis des années, celui des politiques publiques, qui refusent de traiter humainement la problématiques de soin psychique pour les personnes les plus vulnérables ?

A la fin de l’automne, le ministre de l’Intérieur a évoqué « un ratage psychiatrique » dans l’affaire de l’attentat terroriste de la Tour Eiffel. Ces déclarations ont pu à bon compte éluder le ratage des services de renseignement et de l’arsenal juridique qu’ils ont déjà pour contraindre une personne suspecte. Dans cette séquence, les chantres de la macronie ont presque réussi à faire croire au grand public qu’il n’était pas possible d’interner une personne ayant des troubles psychiques et menaçant l’ordre public…

Tweet de BFMTV suite aux propos de Laurent Nunez, préfet de police de Paris

Les contre-vérités, l’incompétence ou la méconnaissance (si ce n’est un cocktail des trois?) ont permis la tenue de tels propos sur les plateaux télévisés. Il serait impossible pour le pouvoir administratif et policier de contraindre à une hospitalisation quand il y a des troubles psychiques avérés. Cela est faux. Si la contrainte n’est pas possible, c’est qu’en réalité les troubles psychiques ne sont pas avérés.

Si ratage psychiatrique il y a, l’analyse des causes systémiques est un préalable. Raisonner (voire gouverner) à partir de faits divers soumet trop souvent la raison aux émotions brutes auxquelles répondront une brutalité des solutions.

Ratage systémique

Le ratage systémique c’est celui des politiques publiques criminelles que nous dénoncions avec le Collectif Inter Urgences en 2019. Résoudre la crise profonde traversée par la psychiatrie publique serait de ne pas se contenter de réponses de surface comme celles des Assises gouvernementales de la Santé Mentale (septembre 2021) ou des contre remèdes qui aggravent sans cesse la catastrophe gestionnaire. Par exemple la mutation des pratiques qui se présentent comme du soin mais qui ne sont en réalité qu’un succédané de mesure de contrôle, de soumission voire d’avilissement des premiers concernés. Non seulement ces gadgets santé-mentalistes ne résolvent rien mais, de surcroît, ils aggravent le niveau de défiance des citoyens vis à vis des soins psychiques.

Est-ce une solution de médicamenter de façon massive et de façon quasi incontrôlée des pans de plus en plus larges de la population (prescriptions d’amphétamines chez les enfants, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs chez les ados et les étudiants, d’hypnotiques et autres psychotropes dans la population adulte) ? Est-ce là la seule forme de soin possible ? En réalité, ces politiques de santé nourrissent le nihilisme thérapeutique et les pulsions de contrôles et d’emprise des personnes troublées psychiquement. Les solutions simplistes restreignent notre capacité collective à penser un changement profond des affres de nos sociétés.

Dans ce contexte, comment croire qu’un débat parlementaire sur la psychiatrie puisse-t-être autre chose qu’une farce macabre destinée à faire endosser aux plus malades, aux plus pauvres, aux plus exclus les heurts des politiques publiques et des pratiques de soins délétères de ces dernières années ?

Faudrait-il rappeler à mesdames et messieurs les parlementaires que la psychiatrie est revenue par trois fois à l’Assemblée Nationale ces dernières années (2020, 2021, 2022) par le biais de Questions Prioritaires de Constitutionnalités ? Il s’agissait alors de légiférer sur les inconstitutionnalités dans les mesures légales d’encadrement des mesures d’isolement et de contention dans les services de psychiatrie. Aucun débat d’ampleur n’a jamais eu lieu lors des ces trois séquences, les penchants majoritaires de l’Assemblée ne montrant que peu d’intérêt sur de telles mesures considérées comme « thérapeutiques » par le Ministre de la Santé d’alors. Ce silence complice et les voies pour s’en dégager est l’objet du livre « Abolir la contention »

Rien à cirer non plus de créer de réels débouchés politiques aux mobilisations des collectifs de soin partout sur le territoire qui ont créé le Printemps de la Psychiatrie. Le plan santé mentale de feu Agnès Buzyn et du délégué ministériel à la psychiatrie (certainement disparu aujourd’hui?) n’a été qu’un plan de communication pour plateau télé.

Des élus face à la réalité?

Si un débat parlementaire doit se faire sur la psychiatrie, il s’agirait que les députés aient du courage. Est-ce possible dans un tel hémicycle avec tous les précédents et les 49.3 gouvernementaux ?

Il est évident que de plus en plus d’élus locaux, quelque soit leur bord politique, éprouvent réellement la catastrophe psychiatrique sur le terrain. Peut-être sont-ils choqués par les réalités racontées par leurs administrés ? Peut-être avaient-ils tendance à les ignorer jusque-là : la catastrophes organisée des services publics de santé dont la psychiatrie publique, l’inflation des déserts médicaux, l’accroissement sans précédent de mesures violentes de soins (surmédicamentation, inflation des contentions et des isolements psychiatriques, délais d’attente insupportable, impossibilité d’être tout simplement soigné quand on est consentant aux soins, impossibilité d’être soigné dignement quand le consentement n’est pas possible…). Peut-être que le pragmatisme de terrain impose à ces élus un pragmatisme dans les pratiques : faire que les personnes avec des troubles psychiques soient pris en charge humainement ? Peut être est-ce à ce titre que certaines des propositions du Printemps de la Psychiatrie sont reprises dans la tribune du Maire de Meaux ? Si tel est le cas, nous devons faire avancer collectivement, avec toute la complexité requise, une psychiatrie digne et accueillante.

Pour autant, nous devons nous interroger sur leur instrumentalisation possible et sur leur détournement au profit de logiques de renfermement. La suite nous dira dans quel sens penche la balance. Rappelons tout de même que l’entourage du Président Sarkozy était aux affaires quand le collectif des 39 se mobilisait contre la nuit sécuritaire à partir du 2 décembre 2008 et du discours d’Antony. Que des choix politiques ont été faits alors : entre autres choses débloquer en urgence 70 millions d’euros pour relever la hauteur des murs, construire de nouvelles chambres d’isolement et augmenter le nombre d’unités pour malades difficiles. Rien n’a été résolu, beaucoup de choses se sont aggravées depuis.

Le débat parlementaire du 17 janvier 2024 avec Eric Ciotti comme co-organisateur et Marine Le Pen en embuscade, est à hauts risques pour les personnes les plus malades, pour les libertés fondamentales, pour l’éthique et le secret médical. Le précédent de l’odieuse loi immigration précise le cadre parlementaire dans lequel risque de se trouver exposés les malades psys. La vindicte populaire n’est pas loin. Et espérons que nos parlementaires ne se tournent pas vers l’autre côté de l’Atlantique… En Argentine des dispositions du décret omnibus du nouveau président fasciste Milei concernent la psychiatrie. Au programme : toujours plus de contraintes aux soins, d’institutions asilaires, de cliniques privées et de psychotropes. En clair, le programme des lobbys santé-mentalistes français sans le novlangue et la communication autour de l’inclusion et de la déstigmatisation…

Débattre sur la psychiatrie sans débattre à partir des pratiques concrètes et des droits des usagers est voué à l’échec et aux impasses dans lesquelles nous sommes collectivement empêtrées. Dans « Abolir la contention », j’aborde les sangles psychiatriques de la culture de l’entrave qui sont sources de défiance dans le grand public, parmi les professionnels, au sein de la classe politique et pour les premiers concernés. Dans le dernier chapitre se trouvent des propositions à différents échelons (local, national et international), elles pourraient servir la cause d’une loi soutenant une psychiatrie réellement soignante et qui ne se limiterait pas à l’accroissement sans fin des logiques sécuritaires.

Car un tel accroissement nourri le nihilisme thérapeutique. Ce nihilisme « concerne tout le monde ». Nihilisme des politiques qui pensent qu’on ne peut rien faire pour les malades mentaux les plus en difficulté si ce n’est les exclure et les faire disparaître du regard. Nihilisme du corps psychiatriques incapable de soutenir des soins psychiques réels (dans notre définition, le corps psychiatrique va des tutelles qui mettent en application les politiques de santé : agences régionales de santé, directions des hôpitaux psychiatriques aux professionnels du soin à tous les niveaux de la hiérarchie). Nihilisme du corps social à composer avec le tragique de l’existence humaine.

Défaire ce nihilisme, c’est défaire un « ratage » collectif. Et pour le défaire pas d’autre choix que de penser comment accueillir les personnes en grande difficulté psychique. Nos parlementaires auront-ils le courage de faire un tel virage politique à 180 degrés ? Accueillir plutôt qu’exclure ?

Mathieu Bellahsen, le 8 janvier 2024

Lire les publications de Mathieu Bellahsen sur son blog Mediapart

Le Fil Conducteur Psy : Contre les mesures sécuritaires et les ruptures de soin, défendre une psychiatrie humaine.

« Plus nombreuses sont les caméras de surveillance, plus vides sont les chambres, les espaces et les couloirs, plus la rencontre avec le patient est empêchée, plus il est relégué ». A la suite de l’assassinat d’une infirmière et de la tentative d’une secrétaire médicale au CHU de Reims, l’association de familles, patients et soignants « Le Fil Conducteur Psy », membre du Printemps de la Psychiatrie, rappellent qu’en psychiatrie, les mesures sécuritaires ne sont ni sécurisantes, ni pertinentes.

L’ assassinat d’une infirmière et la tentative d’assassinat d’une secrétaire médicale au CHU de Reims, le lundi 22 mai 2023, ont suscité une très vive et très légitime émotion. D’autant que l’auteur du crime, suivi depuis près de quarante ans en psychiatrie, était en attente d’une décision de justice sur son irresponsabilité pénale pour l’agression au couteau, en 2017, de quatre membres du personnel de l’ESAT où il était pris en charge.

Nous, Fil conducteur psy, association qui réunit des familles, des patients et des soignants, et qui participe au Printemps de la Psychiatrie, partageons cette émotion, et sommes particulièrement sensibles à la demande de sécurité qui a suivi ainsi qu’aux commentaires sur les insuffisances du soin en psychiatrie.

Cependant, face aux demandes de plus de mesures de contraintes et d’enfermement, nous rappelons, en accord avec les psychiatres du Printemps de la Psychiatrie qui se sont exprimés dans la presse :

– que le passage à l’acte est très rare et qu’il y a moins de crimes commis par des personnes psychotiques qu’en population générale, qu’il n’y a pas de raison de criminaliser la folie.

– que le risque zéro n’existe pas, quelles que soient les modalités de la prise en charge, et que le passage à l’acte, même s’il est plus risqué en cas de rupture de soin, reste imprévisible.

– que, si la demande de sécurité est légitime, ce n’est pas l’augmentation des mesures sécuritaires d’enfermement sous contrainte et, à l’intérieur des établissements fermés, la banalisation de l’isolement et notamment de la contention, qui suffiront à lever la peur des soignants.

 Les mesures d’enfermement sous contrainte ont déjà beaucoup augmenté depuis la loi de 2011, en particulier en cas de péril imminent, sur décision du préfet. Et les mesures d’isolement et de contention ont proliféré à partir du discours d’Antony, en 2008, qui donnait à la psychiatrie  des consignes de type carcéral.

 Or ces mesures sécuritaires ne sont pas sécurisantes ; elles contribuent plutôt au sentiment d’insécurité des soignants et par ricochet des patients, au moment où les patients ont besoin de se sentir en sécurité : ils sont censés être accueillis, au plus fort de la crise et de la violence de l’épisode délirant. Et on les met sous contention.

Au cours de l’hospitalisation, ce sentiment de sécurité ne peut venir que du soin, de la présence et de l’écoute de soignants : plus nombreuses sont les caméras de surveillance, plus vides sont les chambres, les espaces et les couloirs, plus la rencontre avec le patient est empêchée, plus il est relégué, moins il y a de soin. Et plus on réduit le rôle des infirmiers à celui de surveillants, moins ils croient au sens de leur métier. Et plus ils ont peur.

Quant à enfermer ceux qui sont dehors et devraient être dedans ? L’enfermement des individus « perturbants » est, de fait, de plus en plus fréquent ; et l’enfermement s’accroît paradoxalement à mesure que s’accentue le virage ambulatoire.

Et patient qui ne dérange pas trop, lui, est quasiment renvoyé à lui-même, déclaré co- responsable de son « parcours de soin », trop souvent réduit à la prise de médicaments.  D’où « les ruptures de soin », les crises et les ré-hospitalisations, en urgence, le plus souvent avec contention, des mesures sécuritaires et maltraitantes en place de structures permanentes d’accueil et de soin.

Il y a de plus en plus d’enfermement, à la suite d’enfermements répétés pour la même personne. C’est « le tourniquet ». De moins en moins de lits : le souci premier est de faire sortir les patients au plus tôt avec leur prescription. Et ils vont revenir, comme à la maison, certains.

Car hors les murs, la continuité des soins, indispensable pour les troubles sévères, n’est plus assurée. Les structures de soin ferment les unes après les autres au profit de plateformes d’experts délivrant un diagnostic, une prescription de médicaments et un programme d’e-éducation à la « compliance » sur le modèle des prises en charge des maladies organiques. Les mots « d’alliance thérapeutique », qui supposaient la rencontre entre le médecin et son patient, et le soin psychothérapeutique, ont disparu.

 Le secteur de proximité, inventé dans les années 1960-70 -prenant en charge le même patient dans et hors l’hôpital, dans la continuité, avec les mêmes équipes, n’existe plus, sauf dans quelques îlots préservés.  De même pour la psychothérapie institutionnelle qui crée un milieu de vie habitable pour ceux que l’inquiétante étrangeté de la folie désaccorde d’avec eux-mêmes et d’avec les autres.

L’enfermement augmente à mesure que ces lieux de soin de proximité disparaissent, qui pourraient dissiper les peurs.

C’est pourquoi nous déclarons nécessaire :

– que soit restauré le secteur psychiatrique de proximité et la continuité des soins assurée, et restitués les moyens budgétaires et humains à la hauteur des besoins de la population.

– que soit restaurée la formation spécifique des infirmiers en psychiatrie – supprimée en 1992 – et restaurée leur formation clinique, au chevet et à l’écoute du patient.

–  que la priorité soit donnée à la fonction soignante des professionnels, par rapport aux tâches numériques et administratives induites par les protocoles, qu’ils aient le temps de travailler en équipes et en binômes ainsi que de penser le sens et l’organisation de leur métier.

– que soit restaurée l’équipe unique de secteur, dans et hors l’hôpital. Que soient maintenues les équipes qui ont bâti leur savoir-faire dans la constance de ce travail, qu’on cesse de fermer les structures qu’ils ont animées.

Nous réaffirmons que les mesures sécuritaires, dans leur outrance, et sans discernement, lorsqu’elles qu’elles sont prises en place de politique de santé publique, sont dangereuses.

Nous réaffirmons la nécessité de restaurer un service de psychiatrie publique digne de ce nom et la dimension d’un humanisme éclairé dans le soin psychique.

Texte également publié sur le blog Mediapart du Fil Conducteur

« Qui sommes nous ? » /le blog : Le Fil Conducteur Psy

Le choc, la tristesse, la consternation suite à l’événement du CHU de Reims, ce 22 mai. Communiqué du PCF.

Communiqué du PCF publié le 31/05/2023 sur leur site.

Toutes nos pensées vont à la famille de Carène, 38 ans, décédée cette nuit des suites d’une agression violente au couteau par un patient déjà connu pour des troubles psychiatriques sévères.
Notre soutien va aussi à la secrétaire médicale, elle aussi victime et encore hospitalisée, ainsi qu’à tous leurs collègues endeuillés.


Pour l’heure nous ne connaissons rien des circonstances exactes de ce drame, ni de ce qui a pu conduire cette personne à de tels actes.
Mais il ne faudrait pas que cela conduise à une stigmatisation des patients suivis en psychiatrie. Chaque jour les soignants dénoncent la déshérence, alertent à répétition leurs directions, le ministère de la Santé, du manque de moyens et de formation des services de psychiatrie qui ferment les uns derrière les autres depuis 10 ans.
François Braun annonce ce matin, « la réunion d’un comité sur la sécurité des soignants », titre l’APM News! Est -il besoin de rappeler que, de la sécurité des soignants dépend la sécurité des patients et vice et versa ?
Rappelons que si les personnes souffrant de psychose ne sont statistiquement (d’après les chiffres avant Covid) pas plus dangereuses que la population générale, le risque suicidaire est six fois plus élevé chez elles.
Depuis des décennies, la psychiatrie voit ses moyens diminuer proportionnellement à la population, les services d’hospitalisation et services ambulatoires sont saturés, les listes d’attente s’allongent, provoquant une rupture de soins et des patients fragiles psychiquement, abandonnés sans accueil, ni soins.
Or l’on sait que le risque de tels actes auto ou hétéro-agressifs est majoré en cas de rupture de soins.
La psychiatrie de secteur avait été pensée pour garantir la continuité des soins de prévention de cure et de postcure. Cette continuité ne devait plus reposer sur la contrainte comme du temps de l’asile, mais sur la qualité du lien relationnel entre chaque patient et les soignants. C’était un parcours de soins spécifique avant l’heure.
Pourtant depuis la Loi Touraine, les patients dit stabilisés sont censé ne plus être suivis en ambulatoire par leur secteur, mais doivent intégrer le parcours de soins généraliste, comme les autres pathologies. Alors que l’on sait que si ces patients vont bien, c’est parce qu’ils bénéficient de ce suivi. C’est ce que montre avec force et humanité le film « Sur l’Adamant ».
Aujourd’hui par cette politique, on organise la rupture de soins !
Par ailleurs, les conséquences sociales du Covid ont provoqué une explosion de décompensations psychiques dans toutes les tranches d’âge, les tout petits, les adolescents, les adultes et les personnes âgées.
La seule réponse du gouvernement a été de rembourser quelques séances de psychologue libéral (normalement les séances de psychologues ne sont pas remboursées), alors que chaque année des centaines de psychologues nouvellement formés doivent renoncer à leur métier par manque de poste en psychiatrie de secteur et parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers d’ouvrir un cabinet.
Pour prévenir d’autres drames que celui qui vient de survenir à Reims, même si on sait qu’on ne pourra jamais tous les prévenir, nous exigeons en urgence :
• une augmentation des moyens de la psychiatrie de secteur, avec l’embauche dès cet été d’au moins deux psychologues par secteur sur des postes titulaires
• la reconnaissance de la psychiatrie comme une discipline à part entière et non comme une spécialité médicale comme les autres
• et de ce fait la reconnaissance du dispositif de secteur comme un parcours de soins spécifique pour ce qui concerne les pathologies psychiques.