Conclusions de l’atelier « Quel accueil pour la souffrance psychique? »

Conclusions Atelier 5


Isolement et contention : quel accueil pour la souffrance psychique ?

Isolement et contention, symptôme de la déshumanisation de la psychiatrie : construire, reconstruire des collectifs soignants pour une psychiatrie humaine.
Consécutivement à l’avis du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements dégradants) exprimé en 2012, selon lequel la contention est un traitement dégradant et inhumain, la loi Touraine de 2016, en réduisait l’usage à une mesure de dernier recours, pour prévenir un dommage imminent ou immédiat.
Or les recommandations de la HAS qui ont suivi ont détourné ce qui devait être une mesure de sécurité de dernier recours en un traitement pour « agitation », décliné dans le vocabulaire du soin : la surveillance médicale imposée par la loi devient « surveillance et accompagnements intensifs » au point que l’on a pu parler de « soins intensifs » pour la contention, de « chambre de soins intensifs » pour la chambre d’isolement, et même, pour la contention de « réanimation psychique ». La confusion des pratiques entre soins et mesures de sécurité s’accompagne d’une perversion de langage.
L’atelier revient donc à la notion de la mesure contention comme dernier recours et reprend à son compte la position de la CGLPL (Contrôleur Général des lieux de privation de libertés), Adeline Hazan, dans ses rapports de 2016 et 2020 sur l’isolement et la contention, puis sur les soins sans consentement, à savoir que la contention n’est pas un soin.

1. Or les pratiques de contention, loin d’être le dernier recours, se sont banalisées et généralisées. Maltraitantes et déshumanisantes, elles sont contraires à la dignité et aux droits des patients. Souvent associées au « cocktail » de médicaments, elles barrent la possibilité d’échange et de parole avec le patient et sont contraires à l’objectif du soin. Mesure de sécurité, la contention est non sécurisante, non contenante. Elle perturbe les soignants comme les patients.
Déshumanisante, la contention renvoie patients et soignants à leur solitude quand il faudrait recréer du lien, faire équipe autour du patient, construire un cadre de soins contenants.

2.Pour construire un cadre de soins contenants, il faut des moyens matériels, psychiques et humains favorables à la formation de collectifs soignants.
Cela nécessite un encadrement suffisant, une stabilité des équipes pour les patients et pour établir des espaces de réflexion collectives sur la clinique et les pratiques.
Il est également souhaitable que puisse se former une équipe unique intra et extra- hospitalière, qui connaisse le patient, et qui puisse constituer autour de lui, au long cours, une constellation transférentielle bordant le morcellement psychotique.
Cela suppose de prendre soin des équipes, de remettre du sens : reconnaître la difficulté de la rencontre avec la souffrance psychique, notamment parce qu’elle impose une rencontre avec soi. Une rencontre qui soigne aussi bien le soignant que le soigné (J. Oury)

3.Réorganiser les soins.

Concevoir la continuité des soins en lieu et place du « parcours de soin » dont la fonction est d’organiser la discontinuité entre différentes interventions à la durée congrue. Discontinuité de la prise en charge qui favorise les crises, le passage aux urgences générales déjà surchargées et des mesures traumatisantes comme la contention.

Pour cela, réaffirmer le secteur, avec une équipe unique, comme dispositif central dans la prévention et la prise en charge des patients.

Travailler le milieu et la culture du milieu. Instaurer la démocratie sanitaire.

Travailler le projet d’établissement de façon à supprimer les chambres d’isolement et la contention.
Restaurer la priorité du soin et de la présence des soignants auprès des patients. Retrouver le temps du soin et de la clinique en lieu et place du temps consacré à la surveillance ou aux tâches administratives et numériques.

Créer des espaces et des temps d’échanges soignants-patients, outre les conditions favorables à des échanges spontanés. Diversifier les formes d’activités socialisantes et contenantes.
Favoriser la créativité des soignants, l’intelligence collective.

Restaurer une formation initiale et continue spécifique pour tout professionnel intervenant en psychiatrie avec les bases de la clinique pour accueillir la souffrance psychique et assurer la fonction contenante dans les soins.

voir aussi les articles sur le même thème sur ce blog :

https://printempsdelapsychiatrie.org/category/debats-en-cours/isolement-et-contentions/

Atelier 5 : Quel accueil pour la souffrance psychique?

Quel accueil pour la souffrance psychique ?

Isolement et contention : comment faire autrement ?

Le but de cet atelier vise à penser ensemble les pratiques de contention et d’isolement tant du point de vue des soignants, des patients que des familles. Et puis d’en dégager des propositions porteuses d’autres manières de faire pour apaiser les patients accueillis et soignés.

C’est la spécificité de notre association que de réfléchir et d’agir depuis ces places différentes pour porter des propositions communes afin de :

  • Faire entendre la spécificité de la maladie psychique.
  • Élaborer et porter des propositions auprès des professionnels de santé et des Institutions.
  • Défendre une approche plurielle et humaniste de la folie
  • Abolir la contention

Avec le Collectif des 39, Le Fil Conducteur Psy a rencontré Adeline Hazan en 2015 (CGLPL), puis été auditionné dans le cadre du rapport Laforcade et au Sénat. Nous avons faire circuler une pétition pour l’abolition de la contention après celle du Collectif des 39. Nous sommes dans le travail d’écriture et de réécriture d’un fascicule sur la contention et l’isolement.

Nous avons également écrit un article intitulé Crise et misère de la psychiatrie paru dans VST où nous montrions le lien paradoxal entre la déstigmatisation du handicap psychique dans une société dite inclusive et les pratiques de contention destinées à ceux que leur folie laisse sur les bords : quand les impératifs sécuritaires et gestionnaires imposés au système hospitalier déshumanisent le soin et trouvent leur traduction dans la banalisation de pratiques peu respectueuses des personnes.

Parce qu’il nous faut penser ensemble ce qui nous arrive, à nous, soignants, patients, familles, l’atelier procèdera par échanges d’expériences et de savoirs, ou d’interrogations et de discussions autour de la contention et du soin psychique.

Nous nous interrogerons sur l’usage de la contention, sur les modalités des pratiques de cette mesure, sur ses justifications, sur la nécessité ou la possibilité d’un moindre recours, sur les conditions de possibilité de faire autrement et de proscrire la contention.

L’usage de la contention … quelques axes suggérés pour nos échanges.

1. La contention est une mesure de sécurité. En principe, de dernier recours, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent : est-ce bien toujours le cas ?

La mise sous contention commence bien souvent aux urgences. Est-il possible de faire autrement ? A quelles conditions ?

2. Au cours de l’hospitalisation, pourquoi, comment, dans quelles circonstances met-on le patient sous contention ?

La HAS dans sa synthèse de recommandations isolement et contention, désigne l’agitation du patient comme motif suffisant de la décision de mise sous contention. S’agit-il alors d’un risque immédiat ou imminent ?

S’il n’y a pas risque immédiat ou imminent, pourquoi cette mesure ? Comment se prend la décision ?

Si tel est le cas, s’il y a risque de « dommage », peut-on faire autrement ? Et sinon, pourquoi ne fait-on pas autrement ?

3. La contention est une mesure de dernier recours, prise pour une durée limitée. Or ces mesures, suivant la dernière mouture de loi peuvent, à condition d’en informer le JLD, être renouvelées pour de longues périodes (48h par tranche de 6h renouvelables, 48h elles-mêmes renouvelables).

S’agit-il bien, dans ces conditions, d’un dernier recours pour risque immédiat ou imminent ?

Quel est alors le motif de la contention ? Un motif de nature disciplinaire ? Y a-t-il des « raisons cliniques » de la mise sous contention ? La mesure de contention peut-elle être prise, comme le recommande l’HAS, « dans le cadre d’une démarche thérapeutique » ?

La contention pose la question du soin en psychiatrie. Que faut-il donc contenir et comment quand il s’agit du psychisme ?

« La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne ».

(titre de la pétition du Collectif des 39).