Le mercredi 24 septembre 2025, la station France Inter axera sa programmation sur la santé mentale, lors d’une journée spéciale intitulée « Santé mentale : des solutions existent » se faisant relais des approches techno-scientifiques promues par cette fondation, faisant l’apologie d’une véritable révolution qui se ferait sans l’humain – qu’il soit soigné ou soignant.
Voici la lettre adressée par le Printemps de la psychiatrie à Madame Emmanuelle DAVIET, Médiatrice de Radio France
Madame,
Le mercredi 24 septembre 2025, la station France Inter axera sa programmation sur la santé mentale, lors d’une journée spéciale intitulée « Santé mentale : des solutions existent ». Le point de vue éditorial est limité à la valorisation des solutions telles que l’IA, la génétique, l’imagerie et la technologie, l’alimentation, l’épigénétique, le développement de thérapies ou d’applications pour anticiper et surveiller les crises, toutes présentées comme « une révolution globale » assurée par les technosciences.
Le mouvement Printemps de la Psychiatrie réuni le 20 septembre, s’inquiète et s’indigne qu’une radio du service public développe toujours en 2025 – alors que la santé mentale a été désignée Grande cause nationale – un point de vue unidimensionnel visiblement orienté par la fondation FondaMental, traversée par de nombreux conflits d’intérêts avec les firmes technologiques, industrielles et pharmaceutiques, alors que la mission d’une radio publique doit viser la pluralité de l’information. Un travail journalistique ne devrait pas permettre de relayer sans filtre ni analyse le lobbying financé par les intérêts privés[1].
Pourtant, la presse généraliste a diffusé l’information (article de Stéphane Foucard dans le journal Le Monde du 28 mai dernier dans la rubrique « Sciences et éthique scientifique ») que la valorisation des approches de Fondamental et de ses Centres Experts est erronée. En effet, plusieurs études scientifiques (de chercheurs et médecins)[2], contestent les résultats présentés par Fondamental, qui servent d’arguments pour une proposition de loi visant à réaliser 18 milliards d’économies en généralisant à l’ensemble du territoire les « Centres experts en psychiatrie » pilotés par cette fondation de droit privé (ici juge et partie). Ces scientifiques mettent en cause l’organisme pour usage « trompeur » de données scientifiques à des fins de communication.
Lors de cette journée d’émissions « Parlons Santé Mentale » se faisant relais des approches techno-scientifiques promues par cette fondation, faisant l’apologie d’une véritable révolution qui se ferait sans l’humain – qu’il soit soigné ou soignant. Les conflits d’intérêt devraient être clairement énoncés, nous tenons à insister fortement sur ce point.
Une radio publique ne devrait pas cautionner cette vieille rhétorique de la promesse de solutions pour la psychiatrie et pédopsychiatrie qui seraient dues aux neurosciences et aux technologies affichées comme une économie efficace, alors qu’il s’agit en réalité de légitimer le désinvestissement du social en général, et de la psychiatrie publique, faite pour et par des humains, en particulier.
Les solutions d’accueil, de soin et de l’accompagnement axés sur la reconnaissance de la primauté du soin relationnel proposées par de nombreux services de la psychiatrie publique ont fait leur preuve. Face à l’approche techno scientifique réductrice, nous défendons la spécificité de la maladie psychique, qui nécessite une approche singulière, un travail d’équipes pluridisciplinaires et la co-construction d’alliances thérapeutiques fécondes avec les personnes accueillies.
En espérant que notre lettre retiendra votre attention, nous vous adressons, Madame la Médiatrice, nos salutations respectueuses.
Une psychiatrie sous influence, par Anne Waeles (Le Monde diplomatique, octobre 2025)
[1] Les mécènes de la Fondation FondaMental : Bouygues, Capgemini, Clinéa, Klésia, Doctissimo, Institut Montaigne, Fondations Dassaut, Bettencourt, Pinaut, et les laboratoires pharmaceutiques AstraZeneca, Jansen, Lilly, Roche, Lundbeck, Otsuka, Sanofi, Servier, …
[2] Gonon F., Gouraud H., Gillibere A., Falissard B., Cosgrove L., Kepp K. P., Cristea I. A., Naudet F. (2025). Advocacy by nonprofit scientific institutions needs to be evidence-based: a case study, SSM – Mental Health, 7, 1200464
Voici des extraits de divers articles, des liens vers d’autres productions médiatiques, parus dans les jours qui ont suivi cet acte.
Nous mettons dans un premier temps en exergue un rappel des faits et les interventions dans les médias de plusieurs militant.es du Printemps de la psychiatrie en ces circonstances douloureuses, puis la réaction de la ministre. Nous ajoutons ensuite des éléments contexte politique et enfin deux témoignages poignants.
Nous ne savons presque rien de Carène Mezino, de sa collègue blessée, peu de choses encore de leur agresseur. Nous nous associons au deuil de sa famille, de ses amis, de ses collègues. Nous pensons à elles et eux à chaque ligne que nous écrivons, ces derniers jours.
Ici, nous parlons de ce que la presse dit en cette circonstance horrible, de ce que nos ami.es ont défendu quant à leur éthique et aussi au nom de l’éthique portée par le printemps de la psychiatrie.
Nous n’avons pas recensé ce qui était dit dans toute la presse, nous n’avons pas écouté les chaînes d’info en continu. Nous ne parlons pas de celles et ceux qui accusent les juges de « laxisme » par exemple. Notre propos ici n’est qu’une contribution à ce débat en cours.
Un des premiers articles parus après les faits.
Le Monde, le 22 mai 2023, Camille Stromboni et Samuel Laurent
« Le temps est maintenant au recueillement. » Après le drame intervenu lundi 22 mai au CHU de Reims, le ministre de la santé, François Braun, a proposé qu’une minute de silence soit tenue dans tous les hôpitaux, mercredi 24 mai. Une « agression inqualifiable et inadmissible », a souligné le ministre, après le décès d’une infirmière de l’hôpital rémois, qui a suscité une vive émotion dans les cercles soignants et bien au-delà.
Lundi, peu avant 13 h 30, un homme a pénétré dans un service de « santé au travail » du CHU de Reims, armé d’un couteau, avant de s’en prendre à deux femmes, Carène Mézino, l’infirmière de 37 ans décédée dans la nuit de lundi à mardi, et une secrétaire médicale de 56 ans, qu’il a aussi blessée.
Aucune raison ne permet pour le moment d’expliquer le geste de l’agresseur, un homme de 59 ans, pas plus que sa présence au sein du CHU de Reims, où il n’était pas suivi et n’avait aucun rendez-vous, a indiqué le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette.
Souffrant de troubles psychiatriques qualifiés de « sévères » par le parquet, et placé sous curatelle renforcée, il n’était pas inconnu de la justice. Comme l’indique le parquet, il avait été mis en examen pour « violences aggravées ».
Selon Le Parisien, il aurait déjà poignardé, en juin 2017, quatre employés d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) du Meix-Tiercelin (Marne), dans lequel il résidait depuis vingt ans. Les victimes s’en étaient tirées avec des blessures légères, et une instruction avait été prononcée, aboutissant, en juin 2022, à une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité pénale.
aujourd’hui, le sentiment est largement partagé : les personnels soignants comme administratifs sont confrontés à des violences reparties à la hausse ces derniers mois.
Les directions hospitalières assurent avoir déjà fait du chemin, en particulier depuis les attentats de 2015. Sécurisation des établissements, relance des conventions avec la justice et la police, déploiement de la télésurveillance ou d’agents de sécurité… « Il y a tout un arsenal qui existe déjà, relève Sophie Marchandet, responsable du pôle ressources humaines à la FHF.Mais la problématique a ceci de particulier que l’hôpital est, par définition, un « lieu ouvert », soutient-elle à l’unisson de nombreux hospitaliers, avec un « difficile équilibre » à trouver pour ne pas remettre en cause sa mission première d’accueil.
L’agression de Reims n’est pas sans précédent. En 2020, une infirmière de 29 ans était mortellement blessée par un patient à l’hôpital psychiatrique de Thouars, dans les Deux-Sèvres. En décembre 2004, un homme souffrant de schizophrénie avait tué à l’arme blanche deux soignantes de l’hôpital psychiatrique de Pau (Pyrénées-Atlantique). En avril 2002, un infirmier d’un hôpital psychiatrique de Bron (Rhône) était lui aussi mortellement blessé au couteau par un patient de 19 ans.
Quatre syndicats ont même appelé en novembre dernier à la grève pour dénoncer les fermetures de lits. « Nous nous mobilisons depuis 2003 pour alerter sur cette crise très profonde de la psychiatrie, qui se perpétue depuis trente ans », insiste auprès de Franceinfo le psychiatre rémois Patrick Chemla, membre du conseil national de l’Union syndicale de la psychiatrie. « Ce drame nous conforte dans l’idée qu’il faut continuer à nous mobiliser. »
La psychiatrie est confrontée à des problèmes communs à tout l’hôpital, mais amplifiés par les spécificités des troubles mentaux.Ces derniers nécessitent souvent un suivi de longue haleine et les traitements médicamenteux doivent, la majeure partie du temps, être accompagnés de psychothérapies, qui supposent de longues consultations. «
Alors que les besoins de soins sont plus importants depuis la crise sanitaire du Covid-19, le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie continue de diminuer, année après année (de 0,9% en 2021, après une baisse de 1,2% en 2020), selon un rapport publié en septembre 2021 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation des statistiques (Drees).
En 2021, plusieurs dizaines de psychiatres dénonçaient, dans Le Parisien, un recours excessif à l’enfermement, y voyant la « honte » de leur discipline à cause d’une pression excessive sur les soignants. « Il n’y a jamais eu autant de contentions, de placements en chambres d’isolement, car les jeunes qui arrivent ne sont pas correctement formés, regrette Patrick Chemla. Les internes en psychiatrie n’ont plus de formation en psychothérapie et, côté infirmier, la spécialité psychiatrique a été supprimée. »
Autre point commun avec l’hôpital :le manque de personnel. Ces pénuries concerneraient ainsi « cinq établissements hospitaliers sur six », alertaient les syndicats de psychiatres lors de leur appel à la grève, en novembre dernier.
Environ 30% des postes de praticiens hospitaliers ne sont actuellement pas pourvus », pointait pour sa part Isabelle Secret-Bobolakis, secrétaire générale de la Fédération française de psychiatrie (FFP), sur franceinfo, en mars 2022.
Que pensez-vous de ce discours politique qui associe psychiatrie et montée de l’insécurité ?
Mathieu Bellahsen : C’est un retour intégral de la séquence sarkozyste de l2008 où un étudiant avait été tué par un patient en permission à Grenoble. Cette séquence sécuritaire par la psychiatrie s’est un peu mise entre parenthèses sous Hollande et est revenue d’emblée sous Macron avec la circulaire Collomb. Cette dernière a créé un fichier qui assimilait les personnes hospitalisées sans consentement – par le préfet ou à la demande d’un tiers – et les fichés S. L’ancien ministre de l’Intérieur avait également donné des consignes aux préfets pour être plus raides sur les demandes de permissions pour les patients.
Mais c’est un cercle vicieux : plus on crée du sécuritaire, moins on accueille les gens. Moins on les accueille, plus ils vont mal. Lorsqu’ils sont moins soignés, ils peuvent potentiellement passer à l’acte, et avant tout sur eux-mêmes, avec des tentatives de suicide.
« Toute histoire est singulière », répètent-ils. Mais au vu des premiers éléments communiqués par le procureur, le suivi psychiatrique n’apparaît pas défaillant. « Ce qui arrive est vraiment terrible, mais on voit que ce patient a bénéficié d’un suivi intensif, qui était nécessaire au vu de sa pathologie, avec des hospitalisations contraintes sur plusieurs années, et probablement ces dernières années un “programme de soins” avec l’obligation de venir prendre ses médicaments tous les jours, relève le docteur Mathieu Bellahsen, ancien chef de service de secteur en Ile-de-France, auteur de La révolte de la psychiatrie (&ea cute;ditions La Découverte, 2020). Tout semble dans les clous de ce point de vue.»
Le praticien tient à le souligner : «Des patients souffrant de schizophrénie paranoïde, avec un syndrome de persécution aussi intense et envahissant, comme cela semble être le cas, sont extrêmement rares et compliqués à suivre. Ils peuvent masquer leur état ou cloisonner les choses selon les interlocuteurs, ce qui rend les arbitrages toujours difficiles à prendre. »
Pour Patrick Chemla, psychiatre à Reims et fondateur du centre Antonin Artaud, il faut interroger en revanche le contexte, le « détricotage » du « tissu psychiatrique » sur le terrain, dit-il, allant du psychiatre au psychologue, en passant par l’infirmier, l’éducateur, l’aide-soignant…
Mediapart, Delphine Glachant, Mathieu Bellahsen, Patrick Chemla
Meurtre d’une infirmière à Reims : la psychiatrie en déshérence
Les politiques évitent soigneusement le cœur du sujet : ces violences ne sont pas déconnectées des politiques publiques menées. En psychiatrie, en quarante ans, le nombre de lits a été divisé par deux, conséquence d’une politique souhaitable de « désinstitutionalisation », mais aussi de mesures d’économies. En parallèle, l’offre de soins ambulatoires, en dehors de l’hôpital, au plus près de la vie quotidienne des patient·es, n’a jamais été suffisante : les centres médico-psychologiques croulent sous la demande et imposent des mois d’attente à leurs nouveaux patients et patientes.
« Dans les centres médico-psychologiques, pour répondre aux nouvelles demandes, on est obligés d’espacer les rendez-vous, précise Delphine Glachant, psychiatre au centre hospitalier Les Murets (Val-d’Oise) et présidente de l’Union syndicale de la psychiatrie. Quand les gens décompensent, on le repèremoinsvite, et ilsdécompensent plus. Notre seule réponse est l’isolement, qui génère de la violence, de plus en plus de violence. C’est mon sentiment. »
« Même dans une psychiatrie idéale, il y a des patients dangereux », reconnaît le psychiatre Mathieu Bellahsen, ancien chef de pôle à l’hôpital Roger-Prévot de Moisselles, dans le Val-d’Oise, débarqué pour avoir défendu les droits de ses patient·es (lire notre enquête ici). « Mais il y a aussi des patients rendusdangereux par une institution maltraitante, poursuit le médecin, qui s’apprête à publier un livre s’élevant contre la contention (lire son blog sur Mediapart ici). Il faut éviter de rendre les gens très hostiles vis-à-vis de la psychiatrie. Et prendre en soins, à tous les stades, du plus ouvert au plus fermé. »
Psychiatre à Reims, chef de service du centre d’accueil de jour Antonin-Artaud, Patrick Chemla ne peut rien dire des conditions de prise en charge de ce malade psychiatrique, qui n’a pas fréquenté son service. Mais il estime que « ces personnes en très grande vulnérabilité psychique ont besoin d’un espace sécurisant, cela devrait être la fonction d’un service public de psychiatrie. Au centre Antonin-Artaud, il y a un accueil physique ou téléphonique inconditionnel 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les gens peuvent venir sous n’importe quel prétexte, pas seulement pour voir le psy, mais pour trouver un lieu soignant ».
Cette méthode de travail est celle de la psychothérapie institutionnelle, née après guerre en réaction à l’enfermement des malades. Dans les années 1960 et 1970, elle a révolutionné la psychiatrie, la réorganisant en secteurs au plus près des lieux de vie.
« On vit une très grande régression, estime le docteur Chemla. Deslieux comme le nôtre, il n’y en a presque plus. L’État, avec sa politiqued’évaluation comptable, est contre nous. La psychiatrie universitaire ne croit plus qu’au médicament, à l’efficacité pourtant relative. Les infirmiersen psychiatrie ne reçoivent plus aucune formation. Pourtant, la seulethérapeutique qui a fait ses preuves est le lienhumain. »
« Au lendemain du drame, la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a esquissé de premières pistes. Interrogée dans la soirée du mardi 23 mai sur France Info, elle explique qu’elle travaille depuis novembre sur la question de la sécurité des professionnels de santé et qu’un rapport doit justement lui être remis le 1er juin. «
sensibiliser le public et former les gens à la gestion de l’agressivité,sécuriser les bâtiments, des bracelets qui permettent de géolocaliser les soignants, une réponse pénale plus importante
Emmanuel Macron vient donc de se lancer dans une croisade contre la « décivilisation », selon ses propos tenus en conseil des ministres le 24 mai. Son prétexte est un amalgame grossier entre des événements sans aucun rapport, dans une montée en généralité qui, loin de toute rigueur factuelle, permet au président de la République de désigner une « violence » indistincte comme le mal principal qui gangrènerait la France.
Étant entendu que, dans son esprit, il ne saurait s’agir que d’une violence d’en bas, venue de la société, de ses groupes et de ses individus, et non pas de la violence d’en haut, venue de ses propres politiques autoritaires et choix économiques, de leurs dénis de démocratie et de leurs injustices sociales.
Additionner ces faits divers, aux contextes et aux causes fort différents, c’est construire un objet factice, à la manière des coutumières mises en scène médiatiques sur les questions de sécurité. C’est aussi invisibiliser, en les noyant dans un fourre-tout fait-diversier, les haines ordinaires et les violences racistes que libère la montée de l’extrême droite. Et faire oublier la faible ou tardive mobilisation de l’État pour les prévenir ou les réprimer.
Sauf à le croire inculte, c’est bien cet imaginaire politique extrêmement droitier qu’a convoqué le président de la République en employant ce mot.
A l’invitation de l’association « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui », Mathieu Bellahsen s’est exprimé sur le plateau des Glières le 29 mai 2022 « pour relater une expérience concrète d’émancipation dans la psychiatrie publique réprimée par celles et ceux qui la saccagent sans vergogne. Récit en écho des abandons et répressions dans l’hôpital public ».
Depuis une dizaine d’années avec un collectif de soins comprenant des soignants et des patients-usagers-psychiatrisés du secteur d’Asnières sur Seine en banlieue parisienne, nous mettions en place patiemment, pas à pas, un travail de psychothérapie institutionnelle s’appuyant sur la centralité du droit des patients.
En deux mots, la psychothérapie institutionnelle a émergé au coeur de la catastrophe, de la Guerre d’Espagne, des camps d’internement et de la Seconde Guerre Mondiale en partant du postulat qu’il fallait soigner le milieu de soin, pour que d’aliénant celui-ci devienne thérapeutique.
La psychiatrie continue d’être hantée dans ses pratiques quotidiennes par les agissements du spectre asilaire, des maltraitances ordinaires qui s’ignorent – dont celles des soignants-, des postures bureaucratiques sadiques assumées aux noms du bien des patients et de leurs déraisons, spectre asilaire qui continue de leur dénier la citoyenneté commune.
En dix ans, nous étions arrivés à des fondements solides mettant la parole, les actes et les gestes des premiers concernés, les patient.e.s-usager.e.s-psychiatrisé.e.s, comme source de l’instituant de nos dispositifs de soins. Nous avions banni les pratiques de contentions physiques. Les portes de l’unité d’hospitalisation étaient ouvertes malgré les pressions récurrentes des administrateurs de gardes et des équipes des autres pôles. Nous nous appuyions sur les rapports toujours positifs de la Haute Autorité de Santé et du Contrôle Général des Lieux de Privation de Libertés concernant le service.
Les réunions des collectifs de soins (patients et soignants) se déroulaient sur tous les lieux du secteur (hôpital de Jour, unité d’hospitalisation, Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel, Centre Médico-Psychologique). Pour lutter contre les cloisonnements des soignants, poison clivant dans la clinique quotidienne, une réunion hebdomadaire de l’ensemble des professionnels du secteur avait été instituée pour que la créativité et l’inventivité de l’équipe se déploie; pour penser les circulations physiques et psychiques, pour affronter ensemble les difficultés des soins nécessairement singuliers dus aux personnes prises dans des tourments traumatiques, délirants, suicidaires, abandonniques, psychotiques.
Les clubs thérapeutiques, espace de décisions et de démocratie directe, prenaient la forme d’association loi 1901, l’association Et Tout et Tout du Journal, la radio Sans Nom – Colifata France, travaillaient à des rapports plus horizontaux, plus égalitaires entre toutes et tous. Les liens avec la municipalité, avec les copains du monde culturel (le T2G – théâtre de Gennevilliers) et avec les autres collectifs de soins au sein du TRUC (Terrain de Rassemblement pour l’Utilité des Clubs) développaient un réseau intense et riche ainsi qu’avec des associations militantes tels que le CRPA, HumaPsy (Zyplox d’Humapsy se tenait ici-même en 2019)…
Les soignants investis dans ce travail de transformations concrètes y allaient corps et âmes, au sens propre avec le développement de nombreuses pratiques corporelles et psychothérapiques inventives. Cela n’allaient pas sans résistances internes où une partie de soignants se sentait mis en accusation par les patients alors que ceux-ci les interrogeaient de façon légitime sur le pourquoi de tel fonctionnement, sur les postulats arbitraires « allant de soi».
En 2019, jusqu’à la manifestation du 14 novembre, nous étions de toutes les luttes pour la psychiatrie publique, pour l’hôpital public car nous vivions la désertion progressive des professionnels et les conditions d’accueil dégradées voire dégradantes des patients. Là comme ailleurs, les recrutements se faisaient de plus en plus difficiles, amenant des tensions surajoutées à la vie habituelle des services. Quelques semaines avant le covid nous rappelions à l’ensemble de l’équipe que « le directeur de l’hôpital c’est le patient » et qu’un secteur de psychiatrie n’est pas fait principalement pour les soignants mais bien pour répondre aux besoins des personnes qui s’y soignent.
Fort de tout ce travail, le secteur d’Asnières était jugé comme à part au sein de l’établissement de Moisselles. A part du fait du travail clinique qu’une bonne moitié du service soutenait, des analyses politiques que nous partagions et de nos pratiques liant ces registres avec les droits fondamentaux.
En mars 2020, le covid arrive et met un couvercle sur ce moment de crise que nous traversons. Le clivage principal au sein de l’équipe est le suivant : certains soutiennent les prises de pouvoir sur les patients, les enfermements, le non-respect de leurs paroles. D’autres, dont nous sommes, ne s’accommodent pas des solidarités professionnelles se faisant contre l’expression des patients et de leurs libertés fondamentales.
Par la suite, certains des soignants du service rétifs aux transformations décidées avec les patients seront les moteurs de la réaction asilaire contre les pratiques émancipatrices. Ils feront une alliance avec la direction contre les psychiatrisés et contre les soignants soutenant la parole des psychiatrisés dussions-nous nous opposer aux logiques corporatistes soignantes.
En avril 2020, une unité covid s’ouvre au sein de l’établissement de Moisselles. Sur le papier, il est expliqué que tout patient entrant reste trois jours « isolé » dans sa chambre le temps d’avoir un test. Pour les covid positif, le protocole les « isole » 14 jours. Très tôt avec les médecins du service nous nous apercevons que les patients sont isolés non au sens de la médecine infectieuse mais au sens de la psychiatrie, c’est à dire : enfermés à clé. Le 15 avril, j’envoie un mail à la direction resté sans réponse sur la confusion entre isolement psychiatrique et isolement sanitaire que je renommerai « confinement sanitaire » pour que le mot isolement ne nourrisse pas cette ambiguïté initiale.
Les enfermements se poursuivent. Dans la nuit du 7 au 8 mai 2020, cette fois-ci sur l’unité d’Asnières, deux personnes ont de la fièvre faisant craindre un confinement général de l’unité car le troisième cas transforme l’unité en cluster. Cette nuit-là, les verrous de confort – que nous avions obtenu quelques années plus tôt pour que les patients puissent s’enfermer eux-mêmes dans leur chambre pour avoir leur espace personnel – seront renversés en verrous d’enfermement.
Aucune enquête administrative n’ayant été diligentée, la lumière ne sera jamais faite sur qui a pris cette décision d’enfermer tous les patients à clé en chambre simple et double. Est-ce le directeur de garde ? La psychiatre de garde ? Les deux ? Toujours est-il que les serruriers, eux, ont reçu des ordres et que tous les patients ont été bouclés.
Ironie de l’Histoire, le lendemain c’est le 8 mai 2020, fête de la Libération. Une jeune psychiatre de garde est sollicitée par la direction pour aller prescrire les enfermements. Courageuse, elle refuse au nom de sa déontologie et de son éthique. On ne peut enfermer à clé sans motif psychiatrique. Elle est menacée d’un signalement à l’ARS pour mise en danger de la vie d’autrui. Elle ne se soumet pas et me prévient le 9 mai au matin de ce qui s’est passé.
Devant la gravité des faits, devant les mails restés sans réponse, et après discussion avec certains de mes collègues psychiatres et cadres et la présidente de la Commission Médicale d’Etablissement, décision est prise d’alerter immédiatement le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, au nom des soignants du service qui pensent que le covid ne peut pas servir d’argument contre l’état de droit et les libertés fondamentales. Nous informons aussi la direction de l’établissement et les médecins chefs des autres pôles de cette alerte. J’écris également un signalement au Procureur de la République au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale en qualifiant les faits de « séquestration » collective, de plus de 8 jours, faits passibles tout de même de 30 ans de prison.
Le 11 mai, un patient se jette par la fenêtre d’une des chambres de l’unité covid.
Le 18 mai, l’équipe du CGLPL fait une visite surprise et saisit les tutelles et la direction de l’hôpital d’une recommandation en urgence en date du 25 mai en faisant sienne la distinction entre le confinement sanitaire et l’isolement psychiatrique. Le CGLPL parle de pratiques illégales et de maltraitances mises en œuvre dans des conditions indignes. Les portes des chambres de l’unité covid se réouvrent fin mai avec son lot de traumatismes psychiques pour les patients ayant vécu ces séquestrations.
Début mars 2020, nous avions publié avec Rachel Knaebel et Loriane Bellahsen « la révolte de la psychiatrie. Les ripostes à la catastrophe gestionnaire ». Pendant le confinement, nous recevions des infos sur la généralisation discrète de ces pratiques confondant isolement psychiatriques et confinement sanitaire. Nous en avons fait part au CGLPL. Ayant mené sa propre enquête, Adeline Hazan et son équipe décident de publier le 19 juin 2020 au Journal Officiel la quatrième recommandation urgente concernant un établissement public de psychiatrie, Moisselles. Les médias relayent l’information au niveau national.
Dans le même temps, une lettre anonyme arrive à la direction nous accusant moi-même, l’encadrement du pôle et des professionnels parties prenantes du travail de psychothérapie institutionnelle de « harcèlement », « maltraitance » et « abus de pouvoir ». Les motifs invoqués pour légitimer ces propos sont d’avoir aidé à créer un Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) avec les patients, d’avoir embauché un éducateur sur un poste d’infirmier, d’avoir autorisé une psychomotricienne et un psychologue à faire des visites à domicile pendant le premier confinement. D’autres reproches concernent la médecin responsable de l’hôpital de jour où les « anonymes » se plaignent de la perte de sens de leur travail au fur et à mesure que les patients étaient plus actifs dans les décisions et dans ce qu’ils voulaient pour leurs soins.
Je ne prendrai connaissance de cette lettre anonyme que le 8 juin 2020 quand la direction diligentera une enquête administrative pour faire la lumière sur ces accusations anonymes de délits. Dans le même temps, après la publication de la recommandation au JO, nous sommes mis à l’écart des groupes de l’établissement sur les droits des patients.
Début juillet 2020, la direction nous demande des comptes à chaque sortie non autorisée de patients parlant, à tort, de « fugues ». Je passerai sur l’enquête administrative à charge, partielle et partiale à charge qui a duré neuf mois et qui a refusé de rencontrer 25 professionnels du secteur qui l’avaient demandée officiellement et à plusieurs reprises. Ces 25 professionnels étaient moteurs dans ce travail de désaliénation… Je passerai sur le refus de nos droits fondamentaux d’être entendus au titre d’une instruction équitable. Ce refus fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, ainsi qu’au pénal. Le Défenseur des Droits s’en est saisi pour instruire une enquête étant donné la gravité des faits et les répressions subies.
Rappelons qu’aucune enquête administrative n’a eu lieu sur les privations de liberté. Les médecins ayant enfermé indument ont été remerciés… Au sens de féliciter. La directrice de l’établissement a vu son nom publié au Journal Officiel six mois après la recommandation du CGLPL pour une cérémonie d’attribution en Préfecture de la médaille de l’Ordre du Mérite…
Continuant ses excès de pouvoir et ses calomnies, en juin 2021 la direction de l’établissement va plus loin et publie une note de synthèse nous accusant – et c’est écrit noir sur blanc -« d’épuration de professionnels », de « morts de patients » et des « fugues ». Cette note diffamante passe alors dans les différentes instances de l’hôpital.
Le 8 juillet 2021, la directrice prend la décision de me retirer la chefferie de pôle au motif que cela apaisera la situation et apportera une amélioration des conditions de soins pour les patients. L’établissement nous dit alors que ce n’est pas une sanction disciplinaire. Les patients écrivent des courriers aux tutelles, à la direction. Ils ne recevront aucune réponse.
Je passe sur la complicité de l’ARS et du Ministère de la Santé qui refusent aux syndicats une enquête de l’IGAS sur le fonctionnement de cet établissement. Je passe encore sur la complicité de certains représentants locaux de l’association de famille UNAFAM qui a parlé de « descente du CGLPL » en légitimant les enfermements. Je passe enfin sur la complicité de la CGT locale qui a préféré défendre l’image de l’établissement, des professionnels complices, des enfermements et des soignants contre les pratiques institutionnelles du secteur d’Asnières en faisant des alliances malsaines avec la direction.
En août 2021, le service d’hospitalisation met la clé sous la porte. Tout le collectif des psychiatres du secteur part ainsi que de nombreux soignants. Les patients hospitalisés sont dispatchés dans d’autres unités. L’unité ne rouvrira que fin octobre 2021 avec 14 lits de moins. Retour à l’anormal, la porte du service est de nouveau fermée à clé. Pourquoi se priver d’économies et d’enfermement ? Dix ans de travail détruit en quelques semaines.
Pour vous laisser juges des priorités du pouvoir concernant le droit des patients, il y a quelques semaines à Chinon, la CGLPL Dominique Simmonot a écrit un courrier au Ministre de la Santé pour témoigner d’un secteur de psychiatrie se passant des contentions, n’ayant que peu recours aux chambres d’isolement, travaillant les portes ouvertes et valorisant la parole et les décisions des usagers. Un service comme l’était le nôtre. Qu’a répondu le ministre ? Qu’il soutenait les réorganisations de l’hôpital de Chinon. Même si ces dernières devaient se faire au détriment des bonnes pratiques du secteur de la psychiatrie et contre les Droits fondamentaux des patients.
Dix ans de travail détruits sur l’autel des abus des directions hospitalières, des politiques de santé criminelles et de ces agents exécutant qui refusent de voir les patients comme des sujets de soins et des sujets de droit.
Dix ans de travail collectif détruits par des collaborateurs de l’intérieur, des auteurs de lettres anonymes, des soignants qui ont refusé activement la transformation du service dans un sens d’accueil, d’ouverture et d’émancipation en privilégiant les calomnies sur les professionnels engagés.
Notre sentiment collectif est une profonde colère du fait de l’injustice vécue, colère aussi d’une scène manquante pour instruire les conflits profonds sur le sens des soins psychiques.
Aujourd’hui, les patients avec qui nous sommes encore en contact ont peur de se faire hospitaliser car ils savent que l’arbitraire est de retour, que le non-respect de leur parole est fondateur de ce nouveau moment pour le secteur.
A ce jour, je vous laisse juges de l’épuration dont il est question.
Je dédie cette intervention aux patients du secteur d’Asnières et à mes collègues avec qui nous avons construit ce qui restera comme une expérience fondatrice de la psychiatrie d’aujourd’hui dont la répression est à mon sens à la mesure de sa potentialité créatrice et politique et des émergences à venir : Alain, Sylvie, Ourida, Marc, Véronique D., Catherine D., Laurence, Julie, Marie-Laure, Farid, Véronique S., Benjamin, Magali, Laure, Ahmed, Daouda, Laurent, Nadia, Abdel, Estelle, Amélie, Géraldine, Nawal, Sarah, Fatma, Justine, Aurore, Cora, Mathilde, Zoé, Moutiou, Catherine, Hakim, Patricia, Dimitri, Mathilde, Jad, Baptiste, Alfredo, Benjamin, Maider, Halima, Mina, Michèle, Manon, Gilles, Samantha, Emilie, Noémie, Sabrina, Meriama, et quelques autres…
Nous ne sommes pas seuls… De nouvelles pistes pour sortir de l’état catastrophique de la psychiatrie publique
Texte de Pierre Delion/ le 17 mars/ V.I.F.
Ce texte a été en grand partie écrit dans l’ambiance porteuse des Assises citoyennes du soin psychique qui se sont tenues à la Bourse du travail à Paris, les 11 et 12 mars 2022, à l’initiative du Printemps de la psychiatrie, de l’Appel des appels et du Collectif des 39. C’est sous le buste de Jean Jaurès et dans la salle Ambroise Croizat, fondateur de la Sécurité Sociale, que se sont réunies cinq cents personnes motivées pour critiquer, analyser et lutter contre l’état de la psychiatrie publique aujourd’hui, et proposer des solutions pour retrouver une psychiatrie à visage humain. Lire la suite
Pour une abolition de la contention physique en psychiatrie
Billet de blog de Mathieu Bellahsen / le 18 mars /Mediapart
A l’occasion des Assises citoyennes du soin psychique, des témoignages ont relaté des pratiques de contentions physiques notamment chez des enfants. A l’instar des EHPAD, il est nécessaire d’amplifier la mobilisation pour faire connaître et abolir ces pratiques indignes et les amalgames entretenant leur banalisation. Lire la suite
Couché ! Détruire les pratiques, pervertir la langue, contraindre l’imaginaire..
Billet de blog du Docteur B.B. / le 22 mars /Mediapart :
En septembre dernier, ce sont tenues les « Assises de la santé mentale », sous l’égide de la présidence et de ses experts adoubés. Afin de pouvoir appréhender la démarche des contre – « Assises Citoyennes du Soin Psychique » qui ont eu lieu le 11 et 12 mars, revenons sur cette mascarade initiale qui n’aura servi qu’à consacrer un tournant idéologique autoritaire et marchand dans la gouvernance sanitaire. Lire la suite
Non ce n’est pas une « fake news », mais une invraisemblable et scandaleuse réalité. En pleine vague de Covid-19, alors que les services hospitaliers sont au bord de la rupture et que les personnels n’en peuvent plus, la direction du Centre hospitalier de Brive (Corrèze) a envoyé dans les services de l’établissement des acteurs jouer pendant dix jours les faux malades, pour tester la « qualité de l’accueil ». (extrait)
L’abandon de la vision humaniste de la folie et du soin, qui s’était développée dans l’après-guerre, a précipité la crise de la psychiatrie. Voici revenu le temps de la contention et de l’isolement, avec, de plus en plus fréquemment, des violations graves des droits des patients. Le personnel des hôpitaux réclame des moyens pour mettre fin à la maltraitance.
Généralement, il y a deux portes qui se font face afin de pouvoir prendre le patient récalcitrant ou violent en sandwich. Le lit est fixé au sol ; parfois il y a un lavabo, parfois non ; parfois il y a des toilettes, parfois non, seulement « un seau hygiénique sans couvercle d’où émane une forte odeur d’urine et d’excréments » ; de toute façon, quand le patient est attaché, il fait souvent sous lui. De temps à autre, on trouve de petits arrangements, comme avec cette jeune patiente présente depuis un an, « sous contention des quatre membres mais dont le lien posé sur l’un des deux bras est ajusté pour qu’elle puisse reposer le bassin au sol sans aide ». Il n’y a généralement pas de bouton d’appel : le patient est obligé de hurler pour se faire entendre, ou, s’il est détaché, de « taper sur la porte jusqu’à se blesser ».
Ses repas, il les prend fréquemment assis par terre, avec son lit en guise de table et en présence de deux soignants, debout face à lui. Il est parfois nu, car on craint, comme on dit, un « risque suicidaire » ; sinon, il est en pyjama jour et nuit. Celui de l’hôpital, car il n’a pas accès à ses effets personnels. Il arrive qu’on oublie depuis combien de temps il est là : « Les soignants, qui sont souvent en poste ici depuis longtemps, disent l’avoir toujours vu. » Les visites lui sont interdites. Dans certains établissements, on teste la vidéosurveillance, les micros et les caméras thermiques dans les chambres d’isolement. Dès lors, rien n’échappe à la vue de l’autre, derrière son écran.
Tout cela n’est nullement une fiction. Ces faits sont extraits de trois rapports de Mme Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Elle a établi trois « recommandations en urgence », relatives au centre psychothérapique de l’Ain (Bourg-en-Bresse), en mars 2016 ; au centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne (Loire), en mars 2018 ; et au centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en novembre 2019. Ces faits dramatiques — Mme Hazan parle de « violations grave des droits des patients » — montrent que ce sont d’abord les malades qui souffrent de la crise de la psychiatrie. On vient d’évoquer la contention et l’isolement; on pourrait poursuivre avec les fous dans la rue — 30% des sans-domicile-fixe (SDF) présentent des pathologies mentales sévères (1) —, ou encore avec ceux qui croupissent en prison — de 35 à 42% des prisonniers sont considérés comme très malades mentalement (2).